Le centenaire d'Alfred Vaucher a été fêté à Collonges le 20 juin 1987. Lors de cette cérémonie, A. Vaucher a prononcé un court discours, qui peut être considéré comme une sorte de bref testament spirituel. L'enregistrement de la cérémonie du centenaire est conservé aux Archives : CD ARCH 037 et CD ARCH 038. Voici la transcription du discours de Vaucher.
Chers amis,
Si vous êtes aussi fatigués que moi, vous devez souhaiter que je m’abstienne de parler. Mais je voudrais quand même remercier les organisateurs de cette réunion, les orateurs qui ont parlé tout à l’heure, que malheureusement je n’ai pas pu comprendre en raison d’une infirmité incurable, mais je les remercie très sincèrement. Et je vous remercie pour votre patience.
Vous voulez me permettre d’ajouter quelques mots ? Je voudrais dire que… je n’ai pas compris ce qu’a dit frère Copiz, mais je sais à peu près ce qu’il vous a dit, parce que, il a dans plusieurs revues récentes raconté ce qu’il pense à mon sujet. Frère Copiz est un homme honnête et sincère; vous pouvez croire ce qu’il vous a dit. Avec une réserve toutefois : il a dit non pas ce que je suis, mais ce qu’il aimerait que je sois. Non pas ce que j’ai fait, mais ce qu’il souhaiterait que j’aie fait. Si j’avais eu le bonheur de lire son discours au début de ma carrière, ma vie aurait été très différente, et sûrement bien meilleure. Et maintenant, que puis-je faire ? Si ce n’est déplorer… ce qui n’a pas été fait. J’ai eu des collègues plus intelligents, plus capables que moi, qui ont rendu de grands services. Ils ne sont plus là. A l’âge de soixante, soixante-dix, quatre-vingts ans ils ont disparu. Et je suis resté, à peu près seul, de cet âge-là.
Pourquoi est ce que Dieu m’a conservé ? Sans doute parce qu’il espérait que je ferais quelque chose à mon tour ! Mais il doit être déçu. Parce que les années ont passé, et je me suis interrogé ces derniers mois, pensant que nous aurions une occasion comme celle-ci ; cherchant ce qu’il pourrait bien y avoir dans mes cent ans de remarquable. Quelque chose qui soit à mon avantage. Que je puisse vous dire. J’ai cherché… je n’ai rien trouvé. Absolument rien dont je puisse me glorifier. Mais en tournant une page, j’ai vu ce que Dieu avait fait pour moi. Et là, je crois que le millenium ne suffira pas, pour que je raconte tout ce que Dieu a fait pour moi, toute la bonté qu’il a exercée, et surtout la patience, la divine patience qu’il a eue à mon sujet.
Qu’ajouter à tout cela ? Si Dieu m’accorde encore quelques mois d’existence, je n’ai pas même l’espoir de pouvoir réparer, de pouvoir combler les lacunes. De pouvoir faire ce que Dieu attendait de moi au cours des cent années qui se sont écoulées. Mais je compte sur sa bonté, sur sa patience et sur sa miséricorde pour me donner une place avec vous… avec vous… dans son royaume.
Nous ne nous reverrons jamais tous comme ce soir dans cette salle… ici bas. Je voudrais… j’aimerais croire, en tout cas j’espère, que tous, ou en tout cas la plupart d’entre nous, nous nous retrouverons là-haut, où nous oublierons nos misères. Et aussi nos fautes qui auront étés pardonnées. Et nous nous réjouirons. Non seulement pendant mille ans, mais pendant l’éternité.
Merci pour votre attention, pour votre patience, et acceptez le souhait de mon cœur : que nous puissions nous revoir, non plus avec nos infirmités et nos dangers, mais dans la pleine lumière. Et là où il n’y aura plus de possibilité de revenir en arrière, de reculer, et de perdre l’assurance de notre salut. Au revoir là-haut, auprès du Seigneur ! Amen !