Pendant plusieurs décennies les garçons des Sources étaient appelés "Les ours" et les filles du Parc étaient surnommées "Les Libellules". L'Echo du Salève témoigne très largement de cette coutume...
"Petit dictionnaire de langue collongeoise
Ours - Plantigrade de la région des "Sources", dont la gaucherie légendaire et la proverbiale saleté sont généralement très appréciées. Il habite des grottes rectangulaires et craint l'eau, à toutes les températures. Il a un "hobby" assez scientifique : en effet, il fait collection de libellules, dont il est très gourmand.
Libellule - Insecte de la famille des charmantes sirènes,caractérisé par le développement de son sytème pileux supérieur et les terminaisons en hauts talons. Nourriture de base : salade et yaourt. Sport préféré : chasse aux ours."
Texte et dessins de Pietro Copiz, L'Echo du Salève, novembre 1958, p. 9.
L'Echo du Salève, février 1952, p. 11
L'Echo du Salève, n° 5, juin 1954, p. 8
D'où viennent ces surnoms? Pour les « ours », il faut remonter à 1937. Cette année-là les jeunes gens invitent les jeunes filles aux Sources pour une grande « réception ». Lucy Delhove, étudiante, raconte dans L'Echo du Salève d'avril 1937...
"Un étrange sentiment, que je ne saurais décrire, s'empare de nous à notre arrivée aux Sources. Est-ce une illusion d'optique ? Mais non ! C'est bien Hôtel des s'Ours que nous lisons en lettres flamboyantes au-dessus de la porte d'entrée. Si les habitants de ce bâtiment sont changés en ours, quel mauvais quart d'heure nous allons passer! Cela ne m'étonnerait pas que ce fût arrivé à quelques-uns, car, réfractaires aux bienfaits de la coéducation, ils ont déjà manifesté certaines ressemblances avec ces plantigrades. Rassurons-nous ! car bien qu'ils portent tous ce soir l'image de leur frère (ou d'un arrière-cousin) en guise d'insigne, le premier contact fait vraiment bonne impression il est cordial, courtois ; l'accueil est chaleureux. On se précipite pour nous ouvrir la portière de l'auto, on nous tend la main. Ah, quelle bienvenue ! Vraiment, ces Ours sont gentils !
Nous passons au vestiaire, où nous nous débarrassons de nos manteaux. Puis, en possession d'un papier vert-tendre où sont inscrits les numéros des «cages» et quelques indications humoristiques sur les occupants, nous suivons notre guide. Ce n'est pas très rassurant de lire, par exemple, pour le n° 19 : «Coqueluche... ou Rougeole» ou : «Ours à demi léché, n'entrez pas» au n° 34, ou encore : « La grande Ourse... Ah ! dis ! » au 38. Voici une cage portant l'affiche «Attention, ça mord ! » Nous sommes braves et la curiosité est notre faible. Entrons ! Vraiment c'est intéressant ! Voulez-vous avoir une idée du chaos primitif ? Visitez donc la cage n° 16. (...)
Nous félicitons le chef des «s'Ours» pour le bon entretien de son Hôtel à « l'ancien confort moderne» avec « la perspective de ses couloirs, son ascenseur à sens unique, ses cages à prix modérés».
Le nom de «Libellules» a été lancé en 1941 par Roland Vertallier. Il raconte cette anecdote dans L'Echo du Salève de janvier 1971.
"C'était en 1941, au mois de février. Je revenais des «camps de jeunesse », où, bien que végétarien, j'avais mangé de la «vache enragée». Je travaillais à l'imprimerie... Tout en alignant les caractères mobiles dans mon composteur, car il n'y avait pas encore la linotype, je racontais des histoires de «camps de jeunesse» à mes compagnons de «labeur".
Lors de ses harangues quotidiennes, notre capitaine, bon père de famille, nous déclara : «Jeunes de France et de Navarre, j'attends de vous une conduite exemplaire. Lorsque vous irez au lavoir, tenez-vous sur vos gardes, car il y a là des "libellules" qui ne valent pas la corde à pendre ».
Ce mot charmant de «libellules», attribué à des demoiselles, eut l'honneur de plaire à feu Daniel Langlois, boute-en-train du Séminaire, lequel composait en face de moi. Le jour même il commença à appeler les habitantes du Parc des «libellules», terme qui fit fortune et se répara dit comme une traînée de poudre".