« Au travail ! » était une formule d’encouragement souvent entendue par les étudiants à Collonges entre 1922 et 1930. C’est généralement André G. Roth qui la prononçait. Il était né le 17 août 1891 à Tramelan, une petite commune du canton de Berne en Suisse occidentale, dans une des premières familles adventistes en Europe. Son père, Gustave Roth, avait contribué à la construction de la première chapelle adventiste en Europe à Tramelan. Le jour de Noël 1886, qui était un sabbat, Ellen G. White avait participé à sa consécration. Le manuscrit de son sermon de consécration, conservé au White Estate, a cette remarque en haut de page : « Cette maison a été construite par la famille des frères Roth et non par l’église. Coût 3300 francs. » (À l’époque, un ouvrier gagnait deux francs par jour.)
Avant la fin du siècle, André Roth eut le privilège d’être un des premiers élèves de la première école adventiste en Europe : l’École de Perles, près de Bienne, en Suisse. Il fréquenta aussi d’autres écoles : dans le sud et l’est de la France ainsi qu’en Belgique. En 1910, il accompagna les membres de sa famille, quand ils se rendirent aux États-Unis afin de répandre le message adventiste parmi les francophones. Il fréquenta, entre 1910 et 1914, le South Lancaster Junior College (qui devint plus tard l’Atlantic Union College) et le Washington Missionary College (aujourd’hui Washington Adventist University). Peu après avoir obtenu son diplôme, il se maria avec Hazel Julia Worden, qui avait fait ses études dans la même institution. André avait un grand intérêt pour la photographie : il avait acheté son premier appareil en 1908. Avant de terminer ses études au Washington Missionary College, il avait déjà fourni de nombreuses photos de ses camarades de classe, des classes sortantes ainsi que des endroits associés avec ces sujets. Il continua à être animé par sa passion pour la photographie tout au long de sa vie, l’orientant souvent sur des sujets adventistes.
Le mariage d’André et Hazel fut béni par la naissance de trois enfants. Lionel devint un médecin dans le Sud des États-Unis, Elvire travailla comme bibliothécaire au McCormick Theological Seminary à Chicago et Ariel dirigea le Geoscience Research Institute de la Conférence générale et fit des recherches approfondies, suivies d’importantes publications, sur le conflit entre la science et la Bible. André s’éteignit paisiblement à l’âge de 95 ans, tandis que sa sœur Herminie put fêter son dernier anniversaire à 106 ans.
André consacra 49 ans « au travail ! » pour l’Église adventiste. Il commença comme secrétaire de la Mission haïtienne, dont il devint par la suite le président. En 1922, il fut invité à diriger le Séminaire adventiste du Salève (aujourd’hui Campus adventiste du Salève). Ayant à peine dépassé la trentaine, un étudiant pensa qu’André était un d’entre eux. En assumant la responsabilité de cette institution, seulement une année après son établissement à Collonges, André se consacra à la délicate tâche d’intégrer des concepts adventistes dans le système traditionnel français d’instruction. Son intérêt pour les photos, à part les nombreuses images historiques du Séminaire prises par lui-même, se manifesta dans la campagne qu’il organisa pour obtenir 3000 francs afin d’acheter un épidiascope, le nouveau genre de projecteur qui permettait de refléter des images sur supports opaques. Il obtint également une machine à polycopier, qui permettait facilement l’impression aussi bien de textes que de dessins : ce fut l’instrument qui permit la publication, en 1923, du premier numéro de L’Écho du Salève, le journal de l’école dont il avait encouragé la création. Les étudiants de cette époque se souvenaient tout spécialement de la recommandation plutôt solennelle entendue à la fin de bien des exercices de chapelle : « au travail ! », qu’il adressait aussi bien pour encourager la confiance en soi qu’une éthique du travail bien établie.
Après huit ans passés à Collonges, André retourna en Haïti, où il travailla comme directeur du Séminaire franco-haïtien et comme président de la Mission franco-haïtienne. Son intérêt pour la photographie continua. Un de ses fils se souvient des nombreuses heures passées avec lui, dans une chambre noire improvisée, à développer et imprimer des photos : cela était devenu une partie intégrante de sa vie. Une étape importante fut l’acquisition d’une caméra de 35 mm, qui lui permettait de prendre facilement des photos en couleurs.
Pendant la Deuxième Guerre Mondiale, sa nationalité suisse lui permit d’être choisi, par la Croix Rouge, comme inspecteur volontaire des camps de concentration de la région des Caraïbes, une position qui lui assurait des privilèges diplomatiques appréciables pour voyager dans la zone. Par la suite, il enseigna au Seventh-day Adventist Theological Seminary, situé à l’époque à Washington, comme professeur de langue et culture françaises, préparant ainsi des missionnaires pour travailler dans des pays francophones.
Pour André, la retraite était plutôt conjecturale. Il alla « au travail » pour l’Église à la Martinique, mais fut rapidement appelé comme administrateur à la Clinique La Lignière. Les sept années qu’il y travailla permirent à l’institution d’être établie sur des bases financières solides. Au cours des trois années suivantes, il assura la direction du Collège adventiste de Gitwé au Rwanda, où il développa un programme loué par les agences gouvernementales comme un modèle pour les autres écoles au Rwanda. La dernière fois où André alla à la retraite fut à l’âge de 74 ans.
André Roth a laissé l’héritage d’un long « au travail » pour l’Église adventiste, avec un attirail supplémentaire constitué de nombreuses photos de ce travail, de plusieurs amis reconnaissants et une famille en harmonie avec sa vie. Il alla « au travail » partout où il fut appelé, et il était généralement appelé à des endroits où il y avait de sérieux problèmes à résoudre. Il fut un modèle de ferme confiance dans le Seigneur et de dévouement fidèle à son église. Sa mémoire mérite d’être gardée et honorée.
Bibliographie
Daniel Augsburger, « Au revoir, Frère Roth … », L’Écho du Salève, mars 1986, p. 8, 9.
Guido Delameillieure, « Un jeune directeur et les nouvelles technologies », L’Écho du Salève, 1997/98, n° 3.
Sylvain Meyer, « In memoriam: ANDRE GUSTAVE ROTH (1891-1986) », Revue adventiste, mai 1986.
Gérard Poublan, « La famille Roth: en Suisse il y a 105 ans », Revue adventiste, juillet-août 1975, p. 11,12.
Nelly Ruf-Villeneuve, « La naissance du Séminaire: Coup d’œil rétrospectif », L’Écho du Salève, avril 1991, p. 4-8.
Arthur L. White, “The Tramelan Chapel. The First Chapel Built in Europe by Seventh-day Adventists”, Review and Herald, n° 43, 26 octobre 1967, p. 1.
Cette biographie a été traduite et adaptée en français par Pietro Copiz, à partir d'un texte fourni par un descendant d'André Roth.