Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France et à la Belgique. L’armée allemande envahit la Belgique et le nord de la France et avance sur Paris. L’armée française, commandée par le général Joffre, stoppe net la progression des troupes allemandes par la contre-offensive de la Marne, en septembre 1914. Le conflit s’enlise, les positions de chaque armée se figent. Commence alors une guerre des tranchées, dont le front s’établit de la mer du Nord jusqu’aux Vosges. Cette situation va durer quatre longues et terribles années. De nombreuses correspondances de soldats témoignent des conditions de vie précaires et souvent effroyables au front, des combats épuisants et des liens de fraternité qui peuvent se former entre les « poilus ».
A cette époque il y a moins de 350 adventistes en France (1). Le nombre de jeunes adventistes mobilisés est donc très limité, quelques dizaines seulement. Aucun statut d’objecteur de conscience n’existe, ils partent donc à la guerre comme leurs concitoyens, sur le front, dans les tranchées, dans les hôpitaux de campagne… Et ils témoignent.
Chers frères et sœurs,
C’est dans l’abri de la tranchée que je vous écris ces quelques lignes. Voilà cinq mois que je suis sur le front, où je fais de bonnes expériences.
Dieu a été avec moi malgré ma faiblesse, et m’a béni abondamment. Je jouis d’une santé excellente, grâce à Dieu.
Mon plus grand désir est de rentrer le plus tôt possible dans l’œuvre du Seigneur ; car à présent mieux que jamais je comprends l’amour insondable du Sauveur, et la nécessité absolue d’annoncer avec rapidité l’Evangile éternel. (…) Chaque mois je prête à mes camarades Les Signes des Temps, qui sont lus par presque tous les soldats de la section ; je dépose ensuite le journal dans un endroit très en vue du cantonnement, ou entre deux madriers de la « cagnat »(2), et de cette façon ceux qui nous remplacent peuvent à leur tour en prendre connaissance.
J’ai un Nouveau Testament, et une Bible qu’ils lisent avec beaucoup d’intérêt. Je leur explique les prophéties, et c’est ainsi que dans la « hutte » de la tranchée, j’ai expliqué le chapitre 2 de Daniel à une dizaine d’entre eux. (…)
Votre dévoué frère,
J. Calviac,
414e rég. D’inf. 11e Comp. 3e Bat., 5e Esc. Sec. Postal 164
Chers frères et sœurs,
C’est de l’hôpital que je vous écris ces quelques lignes. Dieu m’a accordé le privilège de soigner les blessés ; privilège d’autant plus grand qu’il me dispense de tuer mon prochain, si barbare qu’il soit, et qu’il me permet d’observer le 4me commandement avec beaucoup de facilité.
Je suis entièrement à l’abri du froid et de l’humidité, et presque totalement des engins de destruction.
Ma tâche journalière quoique triste ne manque pas d’intérêt ; car je suis affecté aux salles d’opérations et de pansements.
Il y a juste un an aujourd’hui que j’ai répondu à mon ordre de marche, et, si je jette un coup d’œil rétrospectif sur cette année écoulée je ne puis faire autrement que de louer Dieu ; à maintes occasions j’ai vu sa main bénissante se poser sur moi et me délivrer au moment critique.
J’ai eu de bons entretiens avec plusieurs de mes camarades, mais les nécessités du service nous ayant dispersés, je ne puis maintenant que correspondre avec eux.
Tout prosélytisme étant rigoureusement interdit dans les hôpitaux, il ne m’est pas possible de faire autre chose que de placer les Signes et autres publications sur la table et de prier, afin que ces feuilles, lues par la plupart des blessés, accomplissent un travail que je ne puis faire.
« Sauve-nous, Dieu de notre salut. Rassemble-nous, retire-nous du milieu des nations afin que nous célébrions ton saint nom et que nous mettions notre gloire à te louer ! » 1 Chron. 16 : 34-35
Votre dévoué,
M. J. Bureaud, infirmier
Hôpital complémentaire d’armée, Secteur Postal 96
Guido Delameillieure
archiviste
Notes
(1) Gérard Poublan, « Les adventistes et la guerre », 1996, p.43
(2) Cagnat = abri