Article "Lettres du front" d'Alfred Vaucher dans Le Messager d'août 1916, p.82-83
Frère O. M. nous communique une lettre où frère Marius Raspal racontre ses dernières expériences dans la région de Verdun. Bien que cette lettre n'ait pas été destinée à la publicité, nos lecteurs seront heureux d'en lire les quelques lignes qui suivent :
(...) Voilà, bientôt deux ans que je suis en campagne, faisant une expérience physique aussi bien que morale. Dans cette expérience je reconnais la bonté infinie et l'amour du Seigneur à mon égard. Je comprends mieux que par le passé que ma vie est en ses mains et que c'est lui qui la dirige. Je n'ai pas à me faire du souci, car cela n'avancerait à rien ; au contraire, j'entraverais les desseins du Seigneur.
Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu. Mais combien le coeur a de la peine à se soumettre à la volonté du Seigneur !
(...) La parole du Seigneur m'apparaît toujours plus vraie. C'est bien le miroir dans lequel nous pouvons nous reconnaître. On trouve dans cette Parole de vérité un encouragement et une force au milieu des difficultés du temps présent. Combien le Seigneur est bon de nous avoir révélé le secret de sa volonté !... Oh ! bénissons-le de tout notre coeur, car il en est digne.
Grâce à Dieu, ma santé est bonne. Maintenant je suis habitué à tout, car voilà bientôt six mois que je couche sur la terre avec un peu de paille. Je dors très bien et je garde l'appétit.
Ainsi malgré tout j'ai des sujets de reconnaissance envers le Seigneur.
Si tu voyais la boue dans laquelle nous pataugeons, tu n'en reviendrais pas. Je n'aurais jamais cru que le corps pût supporter des choses pareilles. Heureusement qu'on est bien nourri ! (...)
Quel bonheur pour moi lorsque le Seigneur m'accordera de pouvoir assister à une de vos réunions ! Je suis bien isolé ici. Les hommes s'occupent peu de Dieu, quoique parfois ils soient en danger de mort. Mais le Seigneur est avec moi ; sa parole me réconforte et m'encourage ; ainsi je ne suis pas seul.
Nous souhaitons à notre frère de pouvoir bientôt se retrouver dans ces belles réunions après lesquelles il soupire et de se consacrer à nouveau à l'oeuvre qu'il chérit.
Le frère et le soeur Musso, qui offrent une large hospitalité à tous les frères de passage à Turin, ont leurs trois fils au service militaire. L'aîné, Eliézer, qui a été longtemps au front italien sur l'Isonzo, m'écrivait le 24 juin, à la veille de repartir pour le front :
Mon frère Abel est toujours en Albanie, et Paul se trouve à l'hôpital R. M. à Rome ; il a été légèrement blessé à une épaule au cours de l'offensive autrichienne, dans le Trentin. Sous peu, à ce qu'il paraît, il retournera au front (...)
Lorsque tu recevras la présente, très probablement je me trouverai déjà au feu. Quelle horrible pensée ! Mais je sais que l'Eternel est immensément plus fort que toutes les armées humaines...
Je vis au milieu d'une société tout à fait incrédule, mais je ne perds aucune occasion de parler courageusement de la vérité religieuse...
Bien des salutations à tous ceux qui ne m'ont pas oublié.
Nous ne vous oublions pas, chers frères qui affrontez la mort en mettant votre confiance en Dieu. Que Dieu vous garde pour d'autres batailles, non sanglantes, en faveur de la juste cause pour laquelle nous combattons tous !
Alfred Vaucher