Article d'Alfred Vaucher dans Le Messager de juillet 1915 (p.55-56) : "Le Message à la guerre"
" En Europe, la bataille interminable s'étend sur un front de plus de 2000 km. Ce front va s'allonger encore par l'entrée en campagne presque certaine de l'Italie et de la Roumanie. Des millions d'hommes vivent quotidiennement sous une pluie de feu. Combien de nos frères ont dû quitter famille et amis et marcher au feu ! Ces frères passent par des expériences bien douloureuses. Ils ont besoin de toute notre sympathie et de nos prières.
Quelques-uns font parvenir de leurs nouvelles. Le Seigneur ne les a pas abandonnés. Ils sont remplis de courage. Nos églises liront avec intérêt quelques extraits de lettres de ces frères qui ont dû répondre à l'appel de leur pays.
Le 11 mai 1915
Cher frère,
Avant de retourner en premières lignes, je tiens à vous remercier de votre aimable lettre du 5. Je suis très sensible à votre marque de sympathie. C'est un réconfort. Ici, notre solitude est bien grande, aussi apprécions-nous peut-être davantage le mot qui arrive juste au moment opportun pour donner à l'âme fatiguée un regain d'énergie. Ce fut l'effet produit par le vôtre.
Nous venions d'arriver au repos depuis une heure. Fatigués, énervés, après avoir vécu douze jours de tranchées qui furent particulièrement pénibles en raison des circonstances critiques et d'une température très défavorable. Nous avions subi une forte dépression, et ce n'est qu'avec peine que nous avons effectué le retour, sous un ciel d'orage, étouffant...
Les nouvelles que vous nous donnez concernant les progrès de l'oeuvre de Dieu à Paris me réjouissent. Croyez aussi que dans mes prières je ne vous oublie pas... Personnellement, je souffre de me voir ainsi, par de si douloureuses circonstances, éloigné du plus beau champ de bataille, où luttent sans trève les fidèles serviteurs de Jésus-Christ. J'en suis profondément attristé, même, mais j'espère que le Maître aura pitié de moi, qu'il permettra mon retour pour rendre à ma vie , pauvre et faible il est vrai, mais forte et utile, par sa grâce, son but réel, qui est de travailler, avec toutes les forces de mon être, au salut des âmes, pour le triomphe de sa cause. Pour cette vie-là, nous ne ferons jamais assez de sacrifices...
Par les nouvelles que je transmets à ma famille, vous aurez eu connaissance des nombreuses preuves d 'amour et de fidélité que j'ai eues de la part de Jésus. J'en suis confus, humilié, mais heureux, d'une joie indescriptible. Les expériences que je fais et le souvenir que j'en garde sont des trésors. Oui, mon frère, Dieu est bon. Dieu est fidèle. Dieu est vrai. Et de toute la force de ma pensée je le bénis et lui rends continuellement grâce pour les secours et les délivrances qu'il m'accorde. Cette bienfaisante rosée céleste tombera-t-elle encore sur moi, ou sera t-elle supprimée s'Il juge à propos de me reprendre à lui ? Je ne sais pas. Quoiqu'il en soit, sachant en qui je crois, avec le maître, notre modèle, je dis : "Seigneur, que ta volonté soit faite et non la mienne." La sienne sera toujours la meilleure...
Maurice Walther
Maurice Walther
Un frère de Liège m'écrivait le 3 mai :
Cher frère en Christ,
J'ai pu avoir votre adresse par un lieutenant qui a la foi en Christ, mais qui n'est pas encore baptisé...
Je ne manque pas de propager le message là ou je puis. C'est ainsi qu'un camarade est décidé de se faire baptisé après la guerre. Il voudrait l'être déjà maintenant ; ....il a renoncé à ses mauvaises habitudes , tabac, etc....et il se réjouit d'avoir une Bible. Il croit sincèrement que Jésus est son Sauveur.
Le même frère m'écrit en date du 15 mai :
Cher frère,
J'ai reçu votre lettre qui m'a fait un très grand plaisir et m'a beaucoup encouragé et fortifié dans ma foi...
Je profite de toutes les occasions pour annoncer le Seigneur à tous mes camarades, qui sont toujours exposés à la mort et n'ont jamais entendu parler du message....
Je profite de toutes les occasions pour annoncer le Seigneur à tous mes camarades, qui sont toujours exposés à la mort et n'ont jamais entendu parler du message....
Nous avons été, il y a trois semaines, donner du renfort près d'Ypres, où les Allemands ont essayé de percer nos lignes. Ce combat a été plus terrible que ceux de la Marne et de l'Yser. Presque tous nos soldats pensaient y rester, surtout à cause du bombardement et des gaz asphyxiants. J'ai prié Dieu et demandé sa protection, et j'ai eu l'assurance que l'ange de Dieu était près de moi pour me protéger...
Je suis heureux d'avoir des frères qui prient pour moi, et j'espère revenir de cette guerre et voir le Seigneur Jésus apparaître pour nous donner la vie éternelle.
Recevez l'assurance de mon entier dévouement pour l'oeuvre.
Recevez l'assurance de mon entier dévouement pour l'oeuvre.
Jean Lenoir
Frère Bénézet m'écrit assez régulièrement . Dans une lettre datée du 1er mai, il m'écrivait :
Mes camarades sont très aimables, mais ils ne s'occupent guère des réalités supérieures. Il n'y a que mon caporal avec qui je puisse causer religion... Dans les événements qui se déroulent sous nos yeux, je vois la main de Dieu. Il m'a protégé jusqu'ici ; je lui suis infiniment reconnaissant. Ma santé n'a jamais été aussi bonne. A brebis tondue Dieu mesure le vent. L'épreuve n'a pas dépassé mes faibles forces.
D'autre part, frère et soeur Guyot, actuellement à Orléans, me communiquent une lettre que leur a adressée un jeune frère, et dont voici quelques extraits :
R..., sabbat 15 mai 1915.
Cher frère et chère soeur,
Mon coeur est tellement plein de pensées que je ne serai pas sans en faire part à ceux qui, dans ce Saint jour, vont spécialement prier en ma faveur...
Faut-il qu'en ce beau matin où je contemple la création encore endormie sous une mince couche de brume, j'entende dans le lointain, vers le funeste secteur de Soissons, un grondement épouvantable, comme le roulement du tonnerre, sans interruption ! C'est donc que par là de malheureux soldats sont de part et d'autre arrosés de mitraille !
Oh ! saint jour de mon Dieu ! de quelle façon vas tu être marqué encore aujourd'hui ? Sera-ce en voyant couler des flots de sang, résultat de la folie humaine ?
Enfin, Dieu m'aide en ce beau jour à tendre l'oreille à d'autres sons qu'à celui du canon qui vomit la mort. Il est autre chose qui nous donne gratuitement la vie...
Votre frère d'armes,
P. Gagnard
P. Gagnard
Chers lecteurs du Messager, souvenons-nous de tous ces chers frères, et des autres dans nos prières.
A . Vaucher"