En 1937, le pasteur Gustave Roth raconte dans la Revue adventiste la vie des premiers adventistes de Tramelan (Suisse) à la fin du 19e siècle ("Les débuts de l'adventisme en Europe", Revue adventiste, 1er avril 1937, p.12-13).
"Depuis mon retour en Europe, il y a deux ans, j'ai eu l'occasion de lire et d'entendre des rapports sur le commencement de l'oeuvre dans l'ancien monde. J'ai pu constater que cela intéresse nos frères. Puisque Dieu m'a permis d'être parmi ceux de la première heure, je veux aussi donner quelques renseignements. Aux compilateurs d'en faire leur profit comme bon leur semblera.
Ce fut dès le début de l'année 1868 que mes parents acceptèrent la vérité sur le sabbat à Tramelan. Mon père était diacre de l'église luthérienne de langue allemande. Il était commerçant. Ma mère était une femme d'une grande énergie et ce fut elle qui nous poussa le plus vers l'observation du sabbat et de la réforme alimentaire. J'avais alors treize ans et nous étions une famille nombreuse.
Ma mère faisait partie d'une société Dorcas dont les réunions se tenaient chez soeur Albert Vuilleumier. A ces occasions-là, frère Albert Vuilleumier profitait de leur faire des lectures sur la vérité. Mon père fut instruit dans le message en même temps que la famille Von Büren par frère Erzenberger. Quand ce frère baptisa mon père dans les gorges de la Trame, une grosse pierre roula de la montagne et passa entre leurs têtes sans toutefois les blesser.
Les premières années du message à Tramelan virent des scènes bien mouvementées. Nous étions une dizaine de familles adventistes et l'on se réunissait à tour de rôle dans les familles de Tramelan-Dessus et de Tramelan-Dessous. Il fallait à chaque fois traverser les deux villages et, à notre passage, on frappait aux fenêtres avec bruit et on les ouvrait en criant : "Sabbatistes !". A la sortie de l'école, j'étais souvent poursuivi par mes camarades qui me criaient "Sabbatiste !" En guise de vengeance, je leur criais : "Papistes !" Ce n'était pas une réplique suggérée par l'esprit de Christ; c'était encore "oeil pour oeil et dent pour dent".
Plus tard, dans le verger de la maison que nous venions d'acheter, nous avons bâti la première chapelle adventiste en Europe. Soeur White fut présente pour la dédicace. Tramelan fut vraiment le berceau de la réforme adventiste en Europe. Notre petite église devint une véritable pépinière d'ouvriers qui s'expatrièrent même en bon nombre. Plusieurs de nos pionniers sortirent de l'honorable famille Vuilleumier-Joly, maire de Tramelan, et de plusieurs bons boureois de Tramelan-Dessous.
A cette époque, c'était à Tramelan que l'on se réunissait de préférence pour les baptêmes. On y venait même de la Chaux-de-Fonds et du Locle et cela en voitures de quatre et six chevaux. Les "hôtels adventistes" de ce temps se disputaient le privilège d'offrir l'hospitalité à celui-ci ou celle-là. Je me souviens que chez nous nous avions jusqu'à trente hôtes. Quelle joie c'était ! On dédoublait les lits et on ajoutait table après table. Le contentement était dans tous les coeurs. Nous avons connu de beaux jours dans cette période du premier amour.
Une dizaine d'années plus tard, mon frère Oscar découvrit dans ses relations commerciales, aux Embreux près de Tramelan, une nombreuse famille du nom de Gerber, et dont un bon nombre d'enfants fréquentèrent nos écoles missionnaires et sont devenus des pilliers dans notre oeuvre.
C'est à Tramelan qu'eut lieu le premier camp-meeting en Europe. C'était une grande affaire d'obtenir alors en Suisse la permission de dresser des tentes. C'est parce que les "Sabbatistes" étaient favorablement connus dans cette région que les autorités nous accordèrent cette permission sans difficulté.
Et c'est à Tramelan que les frères principaux vinrent me chercher en 1892 dans mon beau foyer et me conseillèrent d'abandonner un excellent commerce pour prendre la direction du colportage missionnaire en Europe centrale, branche que l'on venait d'organiser. J'ai occupé ce poste pendant huit ans et je puis dire que ce fut le plus beau temps de ma vie et que j'ai conservé un bon souvenir de mes nombreux colporteurs."
Gustave Roth
"Les débuts de l'adventisme en Europe", Revue adventiste, 1er avril 1937, p.12-13