Durant la 2e guerre mondiale, Gabrielle Weidner, une jeune résistante adventiste, faisait partie du réseau Dutch-Paris, créé par son frère Jean. Elle le paya de sa vie. Ci-dessous vous trouverez la nécrologie publiée par la Revue adventiste en 1945.
CHARPIOT F., « Gabrielle Weidner », Revue Adventiste, novembre 1945, p. 15-16.
"Dans des circonstances particulièrement douloureuses, la guerre cruelle et inexorable l’a ravie à l’affection des siens, à celle de tous ceux qui la connaissaient et à la tâche qu’elle accomplissait pour le Seigneur avec autant de zèle que de capacités. Le cœur se remplit d’une profonde tristesse à la pensée que nous ne verrons plus ici-bas son visage empreint de grave sérénité, d’énergie tranquille, de grande bonté.
Née à Bruxelles le 17 août 1914, elle arrivait en France en 1924 après un séjour de quatre années en Suisse. Elle fut une excellente élève du Séminaire de Collonges-sous-Salève de 1927 à1932. Puis elle compléta sa préparation pour l’œuvre de Dieu par une année d’études au Séminaire de Newbold en Angleterre. En 1934, elle entrait au service de l’œuvre de Dieu comme employée de la libraire « Les Signes des Temps. » à Paris. Quelques années plus tard, elle était appelée au poste de sténodactylographe de l’Union Franco-Belge. Dans l’église et au bureau, elle fut toujours aimée et appréciée de tous pour son caractère, ses talents, son dévouement à toute épreuve.
Vers Noël 1943, elle obtenait l'autorisation de se rendre en Hollande où elle avait la joie de revoir ses parents et sa sœur. Deux mois plus tard, le dernier Sabbat de février 1944, elle était arrêtée par deux agents de la Gestapo et allait rejoindre dans les geôles allemandes tant d’autres victimes innocentes. Elle supporta son sort avec courage et nous sûmes par la suite qu’au cours de deux interrogatoires, elle ne fut pas malmenée. Dieu lui épargna les cruels traitements que beaucoup durent subir en de telles occasions. Ses amis la suivaient de leur mieux, s’efforçant d’améliorer son sort de loin par les faibles moyens à leur disposition. Le 14 août 1944, nous apprenions son transfert au fort de Romainville et réussissions à lui faire parvenir une valise de provisions. La libération approchait et lorsque le soulèvement éclata dans Paris le 18 août, nous la crûmes sauvée.
Cet espoir devait être cruellement déçu lorsque quelques jours plus tard, nous reçûmes confirmation de ce qui paraissait impossible. Les allemands avaient réussi à faire partir au dernier moment un train de déportés. Gabrielle Weidner était en route pour les camps maudits. Un long calvaire commençait qui la conduisit de Targau à Ravensbrück et en dernier lieu à Frankfort-sur Oder. Elle y arrive vers le milieu d’octobre. Les bourreaux avaient enlevé aux malheureuses déportées : couvertures, vêtements, chaussures, et donné en échange une chemise et une robe de prisonnière. Elles n’avaient rien d’autre pour se protéger des intempéries.
De santé délicate, notre sœur ne pouvait supporter longtemps les privations, le froid, les rudes travaux d’empierrement des routes. Le 18 novembre, rongée par la fièvre, elle entrait à l’infirmerie qu’elle ne devait plus quitter. Dans l’épreuve, son courage ne se démentit point. Elle croyait la délivrance prochaine. Toutes ses compagnes de misère et même les gardes allemands rendirent un magnifique témoignage à sa douceur et sa patience.
Le 5 février 1945, à l’approche des Russes, les Allemands abandonnèrent le camp. C’était la libération. Mais une troupe de S.S en retraite, en passant par là, emmenèrent la plus grande partie des déportées qui furent massacrés sans pitié. Parmi elles se trouvait une jeune protestante, la meilleure amie de sœur Weidner. Le camp fut livré aux flammes. Cependant les détenues encore un peu valides réussirent à évacuer leurs camarades alitées. Gabrielle était au fond de la salle, incapable de se lever. Elle fit l’admiration de tous par son calme devant le danger. Elle fut la dernière à sortir au moment où les flammes gagnaient le bâtiment.
Les Russes arrivèrent le jour même. Notre sœur reçut les meilleurs soins. Toutefois, il était trop tard. Elle avait vu la délivrance tant espérée, mais son état empira et le 15 février, elle s'endormit paisiblement, confiante en son Sauveur, dans les bras de la jeune fille qui l’avait soignée au cours de ses longs mois de maladie et à laquelle elle était attachée par les liens d’une profonde amitié. C’est cette jeune fille qui, à son retour en France, a transmis ces détails au frère de Gabrielle et à ses parents. Elle a pu faire ensevelir à Königsberg notre regrettée sœur. Elle une des rares déportées qui reposent dans un tombeau.
Notre sympathie chrétienne entoure la famille de notre sœur Gabrielle. Elle repose en Christ. Elle était dans le jardin du Seigneur, une de ces fleurs rares, qui répandait comme la douce violette le parfum de la vrai piété, de la consécration ; de la fidélité, de la bienveillance envers tous. Son témoignage demeure."
F. Charpiot.